M.
KOUADRI M'hamed,
Infirmier et Poète.
(Par Monsieur Bergonzoli Marcel)
Qui
à Ténès, ne se souvient pas de cet homme
?
Les jeunes peut-être car, pour tous les adultes, ce personnage
ne pouvait être ignoré.
Je sais que c' est loin tout cela mais je vais vous y aider
et nous arriverons, j' en suis sûr, à situer le
personnage.
Monsieur Kouadri était infirmier. On ne le voyait que
très rarement seul. En général il était
toujours flanqué de son amie et coéquipière,
Mme Boisson (mère de Magali) assistante sociale ou encore
du Dr. Hébert, pendant les périodes de vaccination.
Mme Boisson et M. Kouadri formaient une équipe extraordinaire
et d' une grande efficacité. Ils allaient tous deux au
devant de la misère, de la maladie, de la pauvreté,
recevant ou consultant inlassablement.
Les douars des alentours de Ténès n' avaient plus
de secret pour eux. En fait ces gens n' exerçaient pas
un métier mais une vocation.
Je suis sûr que même de nos jours, leur silhouette
doit déambuler encore dans l' esprit des anciens ;qu
'ils soient d' un côté ou de l' autre de la Méditerranée.
Ce
premier éclairage ne vous suffit pas ?
Vous avez sans doute fréquenté les Écoles
de Filles ou de Garçons de Ténès ?
Alors vous connaissez!
Qui n'a jamais été vacciné à même
la classe ? Qui a pu oublier la blouse blanche du Dr. Hébert
ou le fez rutilant de M. Kouadri qui l'assistait pour toutes
les vaccinations ? ... Variole, typhus, etc.
Ne dites pas " moi " ou alors, vous n'êtes pas
Ténésien !
Vous
y êtes n'est ce pas ?
Ce M. Kouadri était un homme de forte stature, il était
toujours en costume et jamais sans son fez. C'était un
homme affable, d'une très grande discrétion et
d'une grande timidité. Son temps, il le mettait au service
de son inspiration. La nature, la mer,les choses de la vie,
le regard des gens étaient son monde. Son pêché
mignon: la pêche à la ligne !
C'est de cet homme aujourd'hui que j'ai envie de vous parler,
pas de l'infirmier, mais du poète, un poète brillant,
sensible, émouvant, et que tout Ténésien
se doit de connaître ou de découvrir.
Il a porté haut et fort les couleurs de Ténès,
s'est illustré des deux côtés de la mer,
a gagné maints concours et a été publié
et récompensé maintes fois.
Je vous invite à découvrir sa biographie, son
oeuvre, ses succès.
Je tiens à lui rendre hommage publiquement, à
lui dire mon admiration et à le remercier pour ces uvres
qu'il nous a léguées.
BIOGRAPHIE
M.
Kouadri M'Hamed, né le 1er mars 1892 à Orléansville
... mort à Ténès le 03.mars.1954.
Il débute dans la vie active au Maroc en 1920 comme Maître-Teinturier
des Ecoles Ouvroirs.
Il commence ses premiers écrits cette même année.
Il publie une brillante Plaquette sur les " Procédés
Marocains de Teinture des laines ". Il rentre ensuite en
Algérie pour devenir auxiliaire médical puis Adjoint
Technique de la Santé. Il s'installe à Sebdou
près de Tlemcen, passe par Duperré avant de rejoindre
définitivement Ténès .... où il
fera sa carrière.
Il participe à son premier concours de poésies
aux Jeux Floraux de Constantine avant de s'attaquer aux Jeux
Floraux du Languedoc-Roussillon où il s'illustrera et
remportera plusieurs premiers prix et de nombreuses places d'honneur.
Le
20 décembre 1949,il est fait Officier de l'Instruction
Publique par Yvon Dablos, Ministre de l'Education. Nationale
de l'époque. (Cf. la reproduction de ce diplôme)
Il
cessera son activité de poète en 1954
début
de la Guerre d'Algérie
(Cf. un de ses poèmes : ''La Mer'')
La Mer
La
Mer ! ses horizons clairs ou voilés de brume,
Ses flots retentissants frangés du blanche écume
Sans cesse en mouvement.
Poème
fascinant des eaux éblouissantes,
Etincelant concert des vagues bondissantes :
Douceur, enchantement !
La
Mer ! ruissellement d'azur et de lumière
Et berceau de Vénus, des Beautés la première,
L'étoile des beaux soirs
Qui
font fleurir soudain des champs de violettes,
Tandis qu'à l'Occident fument les cassolettes
Des divins encensoirs 1
La
mer ! ensorceleuse aux frais colliers de perle,
Qui susurre à la brise et frissonne ou déferle
Sur le sable doré.
Déesse
sans pitié dont le culte est un leurre
Car j'aimais la perfide et c'est pourquoi je pleure
Un enfant adoré !
Non,
tu ne comprends pas l'âpre douleur d'un père
Que tu vois sangloter et qui se désespère
D'avoir perdu son fils,
Qui
vient vers toi les bras ouverts, sans méfiance,
Qui représentait tout : la joie et l'espérance,
Au coeur pur comme un lys !
Ceux
qui me voient errer sombre, de long en large
Croient que je me promène ou contemple le large
Et ne comprennent pas
Que
je suis triste et songe à ce qui fut la place
De ses pieds sur le sable et ne vois nulle trace
Empreinte de ses pas !
Irrésistiblement
je reviens sur la grève
Et je revois toujours cet enfant comme en rêve
Mon pauvre tout petit !
Je
ne reverrai plus hélas ! ton doux visage,
Déjà si sérieux, Toi, si gentil, si sage,
Que la mer engloutit !
Depuis,
bien des printemps ont refleuri les roses,
Les jasmins, les lilas, les lys, les lauriers-roses.
Jusqu'au coeur de l'été.
Au
calme cimetière où pèse un lourd silence,
Sous les verts oliviers dont l'ombre se balance,
Dors pour l'Eternité.
Tu
n'entends plus la voix berceuse de sirène
Qui dans le soir se fait tendre et plaintive et traîne
Ses longs sanglots : la Mer !
Par
Toi j'ai caressé l'orgueil de me survivre,
Mais je pleure en tournant les feuillets de mon livre
Et mon pain est amer !
KOUADRI
M'hamed