TENES,
terre de civilisations
En 1 802, un
navire de guerre français fait naufrage au large de TENES, village
de pêcheurs algériens. La plupart des marins périssent noyés ou
massacrés par la tribu des BENI HAOUA. (NDLR
: voir ''La légende du BAUNEL''
dans FRANCIS GARNIER)
Seules survivantes : cinq femmes :
la petite blanchisseuse de TOULON qui séduira le Dey d'ALGER,
Hélène de COURTAVRAY, première enseignante française sur le sol
algérien,
Marie, seconde épouse d'un cultivateur du RIF
et Elise, mariée à douze ans au fils de l'émir d'un ksar.
Mais le destin le plus lumineux reste celui de Mère Jeanne de l'Enfant
Jésus devenue guérisseuse et membre du conseil des sages du village.
A sa mort, les BENI HAOUA lui érigèrent un sanctuaire considéré
aujourd'hui comme un lieu saint.
Ce récit, inspiré de faits authentiques, compose une fresque envoûtante
où s'entremêlent avec bonheur les couleurs et la puissance épique
du monde méditerranéen.(1)
Deux villes forment TENES, le vieux TENES et la ville portuaire.
Les deux sites sont anciens et passionnants.
Vieux Ténès
Cette petite ville arabe serait fort ancienne s'il faut en croire
la tradition, qui rapporte qu'un pharaon en fit venir d'habiles
sorciers dont il opposa les miracles aux prestiges de MOÏSE.
Sans remonter aussi loin dans les annales fabuleuses, PTOLEMEE donne
au Vieux Ténès le nom de LAGNOUTON, et EL BEKRI nous apprend qu'il
fut bâti en l'an 262 de l'Hégire (soit en 875 - 876) par les marins
de l'ANDALOUSIE qui venaient passer l'hiver dans le port de (2)
TENES et qu'il fut peuplé par deux colonies andalouses dont l'une
était venue de EL BIRA (ELVIRA) et l'autre de TODMIR (MURCIE).
Plus tard, Ténès, ville des MAR'AOUA, une des grandes tribus du
MAR'REB central passe sous la domination des BENI ZEIYAN de TLEMCEN,
en 1 299 (699 de l'Hégire). (3)
KHEIR ED DIN (BARBEROUSSE) s'en empara en 1 520 (926 de l'Hégire).
(4)
Ses habitants avaient une détestable réputation de voleurs et de
pirates. AHMED BEN YOUSSEF, le saint de MILIANA confiant dans son
caractère sacré, s'étant hasardé chez les Ténésiens qui ont toujours
été très mal famés. Ceux-ci qui comptaient parmi leurs nombreux
défauts une dose remarquable d'incrédulité, résolurent d'éprouver
le vieux marabout. Ils lui servirent à souper un chat dont ils avaient
dissimulé les apparences avec toute l'adresse du plus habile gargotier
de la banlieue parisienne. Mais SID AHMED BEN YOUSSEF indigné de
la tentative lança un formidable " Sob ! ". Cette interjection usitée
pour chasser les chats trop importuns effraya tellement l'animal
mis à la broche que, tout rôti qu'il était, il partit au galop,
à la grande stupéfaction des Ténésiens. C'est alors qu'AHMED BEN
YOUSSEF, se levant avec majesté, jeta à la face de ces hôtes indignes
cette allocution proverbiale en Algérie :
" Ténès, ville bâtie sur du fumier ; son
eau est du sang ; son air est du poison : par Dieu, SID AHMED n'y
couchera point ! ".
Après ce jugement, le marabout de MILIANA n'eut que le temps de
prendre la fuite sur sa mule. Une des montées argileuses, au-dessus
de MONTENOTTE, a gardé le nom d'AHMED BEN YOUSSEF parce que, sa
mule s'y étant abattue, il se releva miraculeusement et disparut,
au moment où les Ténésiens tendaient la main pour saisir Ahmed.
Ténès cependant ne recelait pas que des voleurs : ABOU ABD ALLAH
MOHAMMED, l'historien des BENI ZEIYAN, mort en 1 594 (899 Hég.),
est né dans cette ville. (5)
Vieux Ténès, dont les anciens remparts ne renferment que des masures
en ruines, à très peu d'exceptions près, ainsi qu'une grande mosquée
et la mosquée de LALLA AZIZA, est habité par quelques milliers de
musulmans faisant le commerce des grains ou exerçant le métier de
portefaix. Quelques MAHONNAIS se sont établis dans le ravin, au
pied de cette ville, et tirent pour leur industrie horticole, un
merveilleux parti du terrain, arrosé par des eaux courantes et à
l'abri du soleil.
Vieux Ténès, constitué en centre le 31 Juillet 1 851 , a été annexé
à TENES le 17 Juin 1 854.
Ténès, une ville romaine
Ténès : entre la mer et la route d'ORLEANSVILLE surgit un ressaut
de terrain, très escarpé de l'Est au Nord, peu saillant vers l'Ouest
et presque de niveau avec le grand chemin du côté du Sud.
Là, sur une surface plane où s'élève aujourd'hui Ténès, était la
ville phénicienne d'abord, romaine ensuite, de CARTENNA, ou peut-être
une des CARTENNA dont le Vieux Ténès serait la seconde.
Des remparts encore debout, des mosaïques, des fûts de colonnes,
des traces d'un monument considérable, au centre même des ruines,
des citernes, des silos, des tombeaux, à l'Ouest enfin de nombreuses
inscriptions et des médailles, tout indiquait suffisamment, lors
d'une première reconnaissance de cette localité, l'emplacement d'une
ville romaine.
Une inscription de la plus haute importance, découverte à Ténès
même, établit que là était l'ancienne CARTENNA COLONIA où AUGUSTE
établit une colonie de vétérans, et que les BAQUATES (BAXOUTAC)
mentionnés par PTOLEMEE occupaient l'intérieur de la province d'ORAN.
L'histoire de CARTENNA est peu connue ; PLINE nous apprend que cette
ville était le chef-lieu de la deuxième région. ROGATUS, évêque
donatiste de CARTENNA, joue un certain rôle dans l'histoire africaine.
Il avait modifié l'hérésie de DONATUS et comptait quelques sectateurs
qui, de son nom s'appelaient ROGATISTES.
CARTENNA a-t-elle disparu lors de l'invasion vandale ou de l'invasion
arabe ? On ne le sait. De la ville antique, il reste les murs d'enceinte
et les portes des citernes encore utilisées par les habitants, des
tombeaux taillés dans le roc (au bord de la mer, à proximité de
la route de MOSTAGANEM), une mosaïque et des pierres sculptées dans
le jardin du cercle militaire.
Un trésor en objets d'or d'époque romaine découvert en 1 936 est
au musée d'Alger. Tombée sous la domination ALMORAVIDE d'IBN TACHFINE
au XI e siècle, Ténès accepta, au début du XVI e de payer tribut
à PEDRO NAVARRO. Le corsaire AROUDJ profita de cette situation pour
s'emparer de la localité qui tenta vainement de se libérer du joug
de son successeur KHEIR ED DINE.
Importance du port
L'émir ABD EL KADER, qui avait incorporé Ténès dans ses possessions
essaya, sans succès, de ranimer son port.
La position de CARTENNA, reconnue une première fois par le Général
CHANGARNIER, le 27 Décembre 1 842, fut choisie par le Maréchal BUGEAUD,
le 1er Mai de l'année suivante, pour la création d'un centre de
population et de force militaire, à l'abri d'un coup de main ou
d'une incursion des Arabes, entre MILIANA, MOSTAGANEM et ORLEANSVILLE,
et pouvant servir de port à cette dernière ville, qui avait été
créée à la même époque et dont les communications par terre n'étaient
pas toujours faciles. Les développements du nouveau Ténès furent
rapides. De récents et importants travaux ont eu pour objet de créer
à Ténès, entre ARZEW et ALGER, un port de refuge pour les navires
surpris par le mauvais temps et un port de commerce pour la partie
centrale de la vallée du CHELIFF.
Le port, à 1 800 mètres de la ville, doit devenir, dans un avenir
peu éloigné, l'une des têtes importantes des chemins de fer qui
rattacheront le littoral au chemin de fer central du TELL.
L'anse où il est établi est assez abritée des vents d'Est par le
puissant contrefort du Cap Ténès, mais battue par tous les vents
dangereux du Nord et de l'Ouest. C'était cependant le seul point
favorable pour la création d'un abri sur une longue étendue de côte
inhospitalière qui, sur près de 180 milles, se développe entre ALGER
et ARZEW.
Le porte se compose de deux jetées parallèles enracinées au rivage,
en avant desquelles est un brise-lames. La surface abritée est de
24 hectares. La mer y occasionne de fréquents dégâts. La pêche du
corail attire chaque année un certain nombre de barques le long
de la côte de Ténès.
…/…
Une jolie petite ville
Ténès forme un trapèze de 700 mètres sur 400. Ses rues (celles,
entre autres, de la COLONIE, d'ORLEANSVILLE et de FRANCE) sont larges,
bien alignées, plantées d'arbres et bordées de jolies maisons autant,
toutefois, que notre architecture privée peut être jolie.
Quant aux monuments, il ne faut pas s'attendre à en rencontrer :
les édifices romains sont depuis longtemps écroulés, l'hôpital (pour
300 lits), les casernes, la douane, qui répondent très bien aux
exigences de leur destination spéciale, ne sont pas précisément
des oeuvres d'art. Une grande place en marque le centre, là sont
groupés les principaux édifices publics, église moderne, hôtel de
ville, poste.
A côté, Rue CLEMENCEAU, un bâtiment de style mauresque abrite le
siège de la Commune Mixte.
Les curiosités de la ville sont : les citernes, les silos, les hypogées,
qui constituaient une CARTENNA souterraine, et que l'administration
et les particuliers ont utilisés pour en faire des magasins ou des
caves.
Quatre portes donnent accès au dehors : les portes de FRANCE et
de MOSTAGANEM à l'Ouest, la porte d'ORLEANSVILLE au Sud, et la porte
de CHERCHELL, à l'Est ; c'est par cette dernière, à l'angle d'un
jardin, qu'un escalier ouvert dans le mur de la ville descend au
quartier de LA MARINE où s'élève la maison du commandant du port
et les bâtiments de la douane. (6)
Où sont passés les ROMAINS, les GENOIS, les PHENICIENS et tant d'autres
qui prirent cette côte les uns après les autres ?
Ténès restera pour toujours dans nos cœurs avec ses remparts, sa
poudrière, sa pointe des blagueurs, sa grimpette, son virage de
l'abattoir, son tournant du Vieux Ténès (d'où est sortie la chanson
: " Charlot et Martinez au tournant du Vieux
Ténès, au lieu de serrer les freins, ils ont serré … ?
")
Son îlot, son usine à sardines, sa Marine, sa douane, sa maison
GIMENEZ, sa plage et sa guinguette, son usine électrique, son hôtel
du Port, son phare, son sémaphore, sans oublier sa Vierge Noire,
sa campagne BLANC (lieu privilégié pour la mouna…)
Il y a aussi son UST (Union Sportive Ténésienne) de football d'où
est sorti un fameux Jeannot GARCIA qui entraîna l'équipe de BERGERAC
de la grande époque, sa fabuleuse équipe de basket qui fit trembler
toutes les équipes d'Alger (la capitale).
Je ne sais pas ce que tu es devenue mais jamais je ne t'oublierai.
Crédit ''J.C.'' in ''Pieds Noirs d'Hier et
d'Aujourd'hui'' N° 98, Février 1999.
(Bibliographie : ''Les fiancées du Cap Ténès'',
roman, par Vénus KHOURY-GHATA chez France-Loisirs)
NDLR :
(1) - Voir le récit du naufrage du ''BAUNEL'' à FRANCIS GARNIER…
: divergences…
(2), (3), (4), (5), L'arithmétique n'y trouve pas con compte : l'hégire
commence en 622 après Jésus-Christ
…
Il n'y a aucune corrélation possible entre les dates avancées dans
ce texte :
Année
du calendrier chrétien
875 - 876
1 299
1 520
1 594
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Année
de l'hégire
moins 262 =
moins 699 =
moins 926 =
moins 899 =
|
hégire
prétendue en
613-614 ?
600 ?
594 ?
695 ?
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(6)
- Erreur : la ''grimpette'' ne part pas de la porte de CHERCHELL,
mais d'une autre porte, piétonnière, au Nord-Est, près de la Pointe
des Blagueurs … et elle aboutit en face du pont sur l'Oued ALLALA,
près de la douane …(voir le plan de Ténès).
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