Sobha
« Tu
es nommé à SOBHA. Tu rejoins ton poste demain matin à 8 heures 30.
Le Directeur est Georges SOREDA, c’est le frère de Madame Montagné,
‘’Roseau’’. -
??? -
Bon. Tu connais Kléber Montagné du Bar des Sports ? -
Un peu… -
C’est son beau-frère. -
Merci, m’sieu, je le connais, mais Sobha où c’est
ça ? -
Tu vas à CHARON, tu prends la route de FROMENTIN,
je crois, c’est à 5 ou 6 kilomètres. -
??? -
Tu as une langue ? Tu as été scout ou non ?
A CHARON, tu demanderas. -
Oui, M’sieu. Bon, M’sieu. Merci, M’sieu, Au revoir,
M’sieu » Je suis de nouveau dans le bureau de
M. Edouard RUIZ, notre ‘’Doudou’’ de Directeur du Groupe Scolaire
LALLEMENT, promu directeur du service du personnel, sous les ordres
de Max Marchand, Chef du Service Départemental de l’Education Nationale
du Département du Chéliff. Je rentre chez moi, ou plutôt chez
ma mère, 39, Rue Clémenceau. Je lui apprends la nouvelle. « Tu peux me laisser la 403 pour
y aller ? - Bien entendu, voilà les clefs » Je charge donc la 403 familiale grise de
la famille en prévision de mon départ matinal du lendemain. Charon
est situé dans la plaine du Chélif, à une vingtaine de kilomètres
à l’Ouest d’Orléansville sur la route d’Oran. Le barda habituel, lit de camp Lafuma,
duvet et oreiller gonflable, un petit réchaud à cartouche de butane,
une ‘’bonamo’’, gamelle en aluminium à plusieurs étages, quelques
assiettes et verres, couteaux, fourchettes, cuillers. Une lampe électrique,
de la ficelle, des pointes, quelques vis et pitons, un marteau, une
paire de pinces universelles, un tournevis… Du linge pour la semaine, une gourde
d’eau. Et bien sûr, tout un fatras de documents
et d’instruments ‘’pédagogiques’’ de base… Voilà pour parer au plus pressé. D’ailleurs,
en cas de besoin, mon parrain et ma marraine, Marcel et Lucienne BOZIO
habitent CHARON-BOU KADER comme ils disent en plaisantant. Ils tiennent,
avec leur fils cadet Jean, un ‘’établissement’’ – d’après les cartes
postales anciennes – ancestral. L’aîné des deux fils, Roger, fait
des études à Alger, il sera médecin… L’ ’’Etablissement’’ BOZIO, c’est
véritablement un ‘’drugstore’’ comme dans les films de cow-boys, mais
à la mode de chez nous : on y trouve tout ou presque tout :
quincaillerie, outillage, graineterie, alimentation, etc. Je me régale
d’y pénétrer à chacun de mes passages. Il y a des rayonnages jusqu’au
plafond auquel est suspendue une innombrable collection d’objets hétéroclites.
Des quantités d’outils et d’instruments bizarres que je ne connais
pas pendent des solives. Au sol, des sacs de grains. Un immense comptoir
en bois sépare la salle de l’arrière-boutique. Il règne une puissante
odeur faite d’un mélange de remugle, de térébenthine, de goudron,
de semences, de plantes aromatiques et de sueur des paysans arabes
qui s’y pressent pour s’approvisionner. Cela surprend curieusement
les narines lorsqu’on franchit le seuil de ce refuge sombre et frais
par les fortes journées de canicule du centre de la plaine à blé. Le magasin est bien achalandé car Jean
et son père, comme la plupart des blédards et des Français d’Algérie
‘’des champs’’ pratiquent parfaitement l’arabe, ce qui favorise les
échanges. C’est comme notre Far-West à nous. Donc, me voilà en route. Il fait beau
et, en cette matinée de septembre, la vie paraîtrait magnifique si
à quelques kilomètres les uns des autres, les souvenirs d’attentats
et d’embuscades ne venaient rappeler à la sinistre réalité. Je tâte sous ma cuisse droite le pistolet
MAB 6,35 qui m’accompagne partout. J’ai obtenu un port d’arme en bonne
et due forme car j’ai exercé dans des postes de bled. Je ne me fais pas d’illusion sur l’efficacité
de l’arme ni sur ma précision de tir au pistolet que j’ai testées
à plusieurs reprises, mais « ça peut servir »… comme
dit mon grand-père Amédée Mino. Dans la plaine, des nuées de vanneaux
tourbillonnent en un vol chaloupé. Dans le soleil levant, la couleur
des voiliers change et passe du noir des dos au blanc des ventres
lorsque, effrayés par quelque mouvement, ils plongent vivement vers
le sol en crochetant et en se dispersant pour se regrouper un peu
plus loin. Des multitudes d’autres oiseaux de passage sont posées,
là, à deux pas de la route. Le Chéliff tout proche accueille dans
ses méandres et ses bras-morts des nuées de migrateurs. Le marais
du Merdja, plus à l’Ouest, a une réputation de paradis pour les Nemrod
du cru. Je regrette de ne pas avoir emporté
le ‘’16’’ à broche du grand-père… Il est vrai que la chasse est –
théoriquement - interdite
et que les munitions sont rares… Mais la loi n’est pas respectée et
tous les expédients sont bons pour se procurer poudre et plombs. Bien
entendu, puisque la vente des cartouches de chasse, de la poudre et
des plombs est interdite, le système ‘’D’’ bat son plein… L’armée
est, encore une fois, la solution pour les Nemrod en manque. Les plus
chanceux se procurent auprès des harkis et des mokhaznis des cartouches
de calibre 12. Elles sont chargées de chevrotines 9 grains parfois
reliées par trois au moyen d’un fil de laiton … Beaucoup de supplétifs
préfèrent un fusil de chasse automatique Browning 5 coups à chevrotines
à un fusil de guerre et on les comprend lorsqu’on voit l’efficacité
d’un tir dans un buisson ! Ca fait, on s’en doute, un dégât impressionnant
sur un corps humain… Pour la chasse, on retire ces chevrotines
et on les remplace par des plombs. Tout chasseur qui se respecte possède
tout l’attirail nécessaire pour recharger lui-même ses cartouches. On prétend que c’est plus économique
mais c’est surtout parce que, lors de la charge de la poudre, au lieu
de verser la dosette rase, on laisse une ‘’chéchia’’ qui doit donner
‘’un p’tit coup de pouce’’, un supplément de puissance à la plombée…
Qu’on dit… Il est également possible d’utiliser
les cartouches d’amorçage des obus de mortier puisqu’elles sont de
calibre 12. La poudre des ‘’relais’’ – ou charges - des obus, ces
capsules en matière transparente que l’on place entre les ailettes
des obus pour augmenter leur portée, était récupérée pour emplir les
cartouches de chasse. Le problème c’était le plomb car s’il
était possible de trouver le métal, en revanche, faire des plombs
corrects était impossible artisanalement. En effet, lorsqu’on faisait
fondre du plomb et qu’on le laissait tomber dans de l’eau à travers
un fin grillage, il prenait la forme d’une goutte. Les gouttes étaient
invariablement de même dimension. On disait que certains avaient trouvé
une solution en faisant tomber le plomb fondu d’une certaine hauteur,
ce délai de chute permettant à la goutte de prendre une forme presque
sphérique. C’est, à ce qui se dit alors, le procédé utilisé dans l’industrie
mais c’est bien trop compliqué et puis : « goutte ou pas
goutte, quand c’est dedans, c’est dedans, alors ? » Perdu dans mes rêveries, je traverse
Malakoff puis j’arrive à Charon. Près de la poste, je tourne à droite.
C’est l’orientation vers Fromentin. J’ai
de l’avance, je vais aller saluer ‘‘les cousins’’. Ils sont déjà sur
le pied de guerre malgré l’heure matinale. C’est en effet jour de souk à Sobha
et déjà les fellahs descendus de leur djebel pour l’événement hebdomadaire
font la queue pour se faire servir. Il y a des chamailles parce que
l’un a essayé de passer devant l’autre. La matrag est souvent brandie
mais elle s’abat rarement. C’est histoire d’impressionner l’autre
afin d’éviter la bagarre. Pour passer le temps, de jeunes arabes s’exercent
à une sorte d’escrime. Les claquements secs des manches en olivier
durci à la flamme font entendre un cliquetis qui rappelle l’escrime
à l’épée. Moulinets et pirouettes se succèdent dans les rires et les
encouragements des spectateurs. Mais, lorsqu’un maladroit atteint
les doigts du partenaire, ça doit faire mal, très mal. Alors, les
injures les plus crues pleuvent et ça manque de tourner à la vraie
dégga ! « Ils sont comme les chiens ‘’kabyles’’ »
disent les anciens. Ces chiens dits ‘’kabyles’’ sont les
faméliques et traditionnels gardiens des mechtas. On dit qu’ils réclament :« Khoubs !
Khoubs ! Khoubs ! » « Du pain! Du pain !
Du pain! » et que, lorsqu’une pierre vole vers eux, ils s’enfuient
en hurlant » « ‘Kaïnn ! Kaïnn ! Kaïnn! :
Y’en a ! Y’en a ! Y’en
a ! » J’ai garé la 403 près d’un espace en
terre sur lequel des ânes et des mulets, bardés de chouaris en alfa
tressé se bousculent, braient bruyamment et s’agitent. Les mâles sont,
en grande majorité, ‘’entiers’’ et ils sont très ostensiblement excités
par quelque femelle en chaleur. Les mulets, les bardos, les bourricots
et les chevaux sont attachés court les uns contre les autres et, malgré
les oeillères tressées, cela provoque des vélléités de batailles vite
réprimées, à grands coups de gourdins, par les propriétaires…Les côtes
résonnent sous les coups de bâton et les coups de pied qui pleuvent
avec rage, tout comme les injures les plus grossières… Pour faire patienter les animaux, on
leur a fixé sur le museau un sac de toile dans lequel ils mâchent
quelques poignées d’avoine qu’on leur a dispensées. De temps à autre,
ils hochent vivement leur tête pour saisir les graines du fond du
sac. Des coups de queue fouettent continuellement les nuées d’agressives
‘’mouches de cheval’’ qui volent dans la poussière blonde. Elles assaillent
sans relâche les animaux dont les oreilles s’agitent sans cesse et
dont les flancs frissonnent pour les déloger. Il en est qui, parfois,
excédés, esquissent une vaine ruade. Les humains proches ne sont pas
exempts des assauts renouvelés de ces détestables bestioles qu’il
faut vivement chasser - ou écraser - sous peine de goûter à leurs
cuisantes piqûres.. En me faufilant entre les croupes,
attentif aux pattes armées pour tirer une ruade, je finis par pénétrer
dans la boutique. Sur le seuil, je lance un sonore :
« Salam âlikoum »
auquel répondent des murmures inintelligibles. « Samahni, Saha. » (Excuse-moi, merci). Je me faufile vers le comptoir.
Marcel Bozio, mon parrain, tout surpris,
m’accueille avec son bon sourire. « Ho, Jacquot, qu’est-ce que
tu fais-là ? ». Il m’embrasse affectueusement avec force
tapes dans le dos. « Jean ! Jean ! » appelle-t-il,
viens voir qui est là. Jean, son sarrau gris couvert de poussière
ou de farine, surgit de l’arrière-boutique. Il a quelques années de
plus que moi et aide son père à la boutique. « Jacquot,
qu’est-ce qui t’amène ? Tu chasses ou quoi ? Viens, viens
voir ma mère, elle sera heureuse de te voir, tu sais… Alors, chta t’dir ? (Que fais-tu ?) - Je suis nommé à Sobha ! -
A Sobha, pas possible ? Maman, Jacquot est là,
il va travailler à Sobha, tu te rends compte ! -
Hé bonjour, mon fils, tu as l’air en pleine forme,
tu as les yeux brillants, dis, tu es amoureux ou quoi ? »
Lucienne m’embrasse avec effusion. Elle aime me taquiner sur mes flirts… -
Bon, ça va, y’a pas à se plaindre… On a de la paille
à manger à Orléansville. -
Les petits militaires ils vous font pas la concurrence ? Je
réponds sur le même ton : -
Oh, tu sais, avec moi ils n’ont aucune chance et
puis avec leur accent de canard… -
De patos, on dit ‘’de patosse’’. -
Oais, ce sont les Oronais
qui disent ça. -
Tu as déjeuné ? Tu veux un café ? ‘’Une
théï’’ à la menthe ? J’en prépare
pour les clients, les bons seulement, les amis, autrement, un cisain*
complet ne suffirait pas. (*fût
de deux-cents litres) J’arrive
à placer un : « Merci, Lucienne, c’est fait. -
Alors, tu es nommé à Sobha ? -
Oui, pour cette année. L’an prochain, m’anaarf, je ne sais pas. » « Jean ! Jean ! ».
C’est Marcel qui appelle : « Il y a plein de monde, viens m’aider,
va, tu bavarderas un autre jour. » Jean s’était attablé et s’était servi
un café... Le répit était de courte durée. En faisant la grimace,
il se lève, m’embrasse
et se dirige vers le magasin en criant : « Ani djèï ! » (J’arrive !) Il se retourne et me sourit avec un
clin d’œil et une signe amical de la main : - « A t’ta l’heure ? -
Non, non, je m’en vais il faut pas que je loupe l’heure,
surtout le jour de la rentrée ! Je repasserai. Je prendrai le
mokahla (fusil) et on ira au Chéliff à
la chasse… -
Ca marche ! Salut ! -
Tiens, emporte ça ». Lucienne m’a préparé un
grand sac de papier kraft rempli de biscuits, de dattes dures et de
dattes bien mûres accompagnées de sucreries. Comme
je proteste, elle me lance :! -
« Va, va, va, tu as la ligne haricot vert, tu
peux prendre un peu de poids, crois-moi, tes chéries ne s’en plaindront
pas, au contraire, va ! -
Bon… puisque tu le dis. Merci. A bientôt. -
Tu sais que tu es ici chez toi, tu viens quand tu
veux.. -
Promis, juré, ouallah
j’te jure… -
Si tu as besoin de quoi que ce soit … -
Merci beaucoup mais Sobha c’est pas le bout du monde.
Tu veux bien dire au revoir pour moi à Marcel, je ne veux pas le déranger,
c’est le coup de feu. A bientôt et merci encore. -
A bientôt et ouvre l’œil sur la route, hein ? »
me recommande-t-elle, geste de l’index sous la paupière. Je lui montre furtivement la crosse
du pistolet sous mon tricot. « Oais, fait-elle avec une moue
dubitative… Allez, trotte sec et lève la queue ! » Dans
un éclat de rire, je passe par l’arrière de la maison et je rejoins
la 403. Après avoir parcouru une longue ligne
droite en terrain nu, j’arrive au pont sur le Chéliff. A ma gauche, j’aperçois le barrage
d’irrigation. Je passe devant le poste de contrôle des GMS (Groupes
Mobiles de Sécurité). Ils me font signe de rouler. Quelques virages
et le village apparaît. Le village ? On n’aperçoit tout
d’abord que des bâtiments en préfabriqués typiques des écoles du Plan
de Constantine, prévu pour donner une impulsion nouvelle aux départements
d’Algérie. Le reste des habitations est plus loin : des maisons
individuelles normalisées du village de regroupement, des baraques
et des gourbis. Sur une élévation de terrain, à l’Est, le camp militaire
sur lequel flotte le drapeau tricolore. Je demande où se situe la mairie car
je dois aller y faire signer mon procès-verbal d’installation qui
me permettra d’être payé. Le maire, M. Ghezali, m’accueille chaleureusement.
Je me présente. « Ah ? C’est vous le nouvel
instituteur ? Vous aurez une classe de filles. -
??? -
Oui, nous venons de regrouper les enfants d’un douar
en zone interdite et une classe de C.P.I. (Cours Préparatoire d’Initiation)
de filles a été créée. Vous aurez ma fille Foufa dans votre classe.
Il faudra la surveiller car elle est mignonne mais c‘est une ‘’louette’’. -
Bon, on va voir ça. Au revoir, Monsieur le maire,
je me sauve, c’est presque l’heure. Merci pour le P-V. A bientôt. »
Je n’ai aucune difficulté, en suivant
puis en remontant le flot des petits groupes de fatmas dans leur haïk
‘’des dimanches’’ (ou des vendredis..), accompagnées d’enfants tirés
à quatre épingles, pour trouver l’école. Il y a là dix bâtiments,
tout neufs, en préfabriqué d’amiante-ciment ‘’Eternit’’ gris et bleu.
Cela représente entre quatre cents et cinq cents enfants ! Les
classes sont disposées en carré, ou plutôt en U, autour d’une vaste
cour sur laquelle s’ouvrent les portes d’entrée des classes et les
préaux adjacents. Au centre de cette cour, un mât de couleurs, cerné
de pierres blanchies à la chaux, est paré d’un drapeau tricolore…
Le tout est clôturé de grillage d’un mètre et demi de haut. Une foule bruyante et bigarrée s’attroupe
devant le portail. Noyé dans ces futurs élèves, je reconnais Georges
Soréda, le Directeur, que je connais parce que je l’ai déjà rencontré
au bar Montagné que je fréquente de temps en temps à Orléansville.
Il tient à la main une liasse de feuilles de papier et me fait signe
de me garer derrière les bâtiments. Je m’approche de l’entrée et je dois
me frayer un passage entre les élèves qui me questionnent pour savoir
si je suis un des chioukas
(maîtres, au singulier : cheikh).
Il flotte sur cette marmaille l’odeur sucrée de ‘’Ploum-Ploum’’, ce
parfum entêtant bon marché dont les petites filles se sont inondées
pour le grand jour… « Tiens, tu tombes bien, Jacquot !
Je suis débordé ! Prends ces listes et aide-moi à faire l’appel.
Tu as une classe de filles. - Salut,
Georgeot, je sais, j’ai vu le maire… » Je prends les listes et je m’écarte
de l’entrée : « Les filles, par ici.. téflète, lèhna… » J’appelle ma classe et d’abord, la
fille du maire : Foufa Ghezali. Elle me servira de repère avec
ses couettes et ses nœuds de ruban dans les cheveux car, dans cette
foule bigarrée, il y a des jeunes qui sont aussi grands que moi, enturbannés
et armés de la traditionnelle ‘’matrag’’… Je demande au Directeur de les prier de s’écarter. « Non,
non, dit-il en riant, tu te trompes, ce sont des élèves inscrits….
On scolarise de cinq à douze ans.. Regarde les dates de naissance
sur tes listes… » Effectivement, des enfants sont nés
en 1949 et nous sommes en 1961 ! Tant bien que mal, avec l’aide des autres instructeurs arrivés
entre-temps, les classes sont constituées et dirigées vers les bâtiments. On commence par la visite des sanitaires.
Les enfants écarquillent des yeux stupéfaits car la plupart ne connaît
ni l’eau courante ni les toilettes : ils viennent de douars en
plein bled, déclaré zone interdite et, pour cette raison stratégique,
ils ont été déplacés dans des villages de regroupement construits
en catastrophe et qui n’ont pas encore été viabilisés… On leur explique
l’utilisation des robinets à pression. Quelques essais maladroits
donnent lieu à des rires et à des plaisanteries. Les brosses en chiendent,
attachées par des chaînettes près des bacs en tôle émaillée des lavabos
collectifs, les intriguent. Il faut en faire la démonstration. Par
la suite, des excès de zèle dans leur emploi sur des mains ou des
poignets ‘’douteux’’ se sont révélés cuisants… Le rugissement des
chasses d’eau en impressionne certains. On lit sur leur visage qu’ils
ne sont pas rassurés. Le papier hygiénique en rouleaux leur semble
mystérieux, comparé au simple galet qu’ils utilisent chez eux… Il faudra tout un apprentissage. C’est la mission de l’Ecole… Certains enfants viennent de mechtas
isolées dans la plaine et ils parcourent plusieurs kilomètres à pied
à travers champs pour venir à l’école. L’hiver, j’avais des élèves
qui arrivaient bottées de glaise jusqu’à mi-mollet. Nous avions en
permanence des seaux d’eau à chauffer sur nos poêles à mazout Airflam,
des seaux d’eau pour la toilette de ces pèlerins de l’éducation. Des fils de fer pour étendre le linge
ont été installés sous les préaux et même dans les classes pour sécher,
été comme hiver, les vêtements de ces pauvres enfants qui n’avaient
même pas d’imperméables. Par la suite, peu à peu, en chinant au Secours
Catholique, nous sommes parvenus à équiper en bottes de caoutchouc,
en chaussures et en imperméables tous les enfants qui venaient de
loin. Cependant, en dépit des distributions de chaussures, certains
élèves arrivaient toujours dans le même état, leurs souliers pendus
autour du cour par les lacets… Quand on les interrogeait, ils déclaraient
que c’était pour économiser leurs chaussures… Il n’y avait pas de cantine scolaire
pour ces élèves qui venaient de loin et nous réchauffions leurs maigres
repas sur nos propres réchauds. Un accord passé avec le capitaine
commandant la compagnie de protection permit ensuite de servir gratuitement
quelques repas chauds mais il y eut des réticences et même des refus :
les gamelles avaient peut-être contenu du hallouf
( du cochon, interdit par l’islam)… Ceux qui étaient vraiment affamés nous
faisaient confiance et appréciaient ce service gratuit. Sur le bureau de ma classe, comme chez
les autres instructeurs, il y avait en permanence un paquet de coton
hydrophile, une pince à clamper et un flacon de teinture d’iode ainsi
qu’un tube de pommade ophtalmique… Le rituel immuable, à chaque entrée
en classe, consistait à badigeonner la tête des teigneux et à mettre
à l’intérieur de la paupière inférieure la pommade contre le trachome… En plus des soins de santé et de traitement
des petits bobos et autres contusions inévitables avec une population scolaire si nombreuse, nous assurions
périodiquement, en été, la ‘’doouche’’.
On procédait classe par classe, les filles exceptées : les parents
n’auraient pas admis que les filles, dont certaines étaient ‘’presque
bonnes à marier’’ se montrent dévêtues devant des hommes, fussent-ils
leurs maîtres d’école ! Une équipe d’élèves faisait chauffer
des seaux d’eau sur les poêles. Entre-temps, les enfants se déshabillaient
et étalaient leurs vêtements sur le sol bétonné. Une autre équipe,
armée de vaporisateurs à pompe manuelle au réservoir cylindrique en
tôle, les ‘’Pompes à Flit’’, traitait les vêtements pour en débarrasser
les ‘’totos’’ ou ‘’gmel’’ qui avaient pu résister à la ‘’Marie-Rose’’
que nous distribuions. Les élèves, nus ou pas, se précipitaient
dans les toilettes à la turque où on leur distribuait un gros cube
blanc de savon de Marseille et un gant de toilette ou, à défaut, un
simple chiffon. L’instituteur demandait alors : « Prêt ? -
Oui m’siou ! » Aussitôt, par-dessus la
porte - pour ne pas le voir, ce qui aurait pu le gêner - on versait
sur le candidat à la propreté un seau d’eau tiède salué par un ‘Il hamdoullah ! Chrâl m’lèh !(
Grâce à Allah ! Comme c’est bon ! ) ou un ‘’marci, m’sieu !’’ Souvent les enfants manifestaient leur
joie en chantant : ‘’lététon’’ :
« il était ton pitit navireu
… » ou quelque autre scie traduite en leur sabir qui nous
amusait beaucoup. Un autre seau assurait le rinçage et
nombreux étaient ceux qui en réclamaient encore : « Zid :! Zid ! Ya cheikh ! Zidli ! » Puis on faisait passer des serviettes
‘’nids d’abeille’’ que l’armée nous fournissait à profusion. Lorsque le ‘’douché ‘’ annonçait qu’il était prêt, nous demandions aux responsable
des ‘’pompeurs’’ d’apporter les vêtements d’Ali ou de Mouloud… Parfois
il y avait des erreurs mais cela s’est toujours passé dans la bonne
humeur : « Lioum,
Aujourd’hui, y’a le hammam à l’école ? »
demandaient nos protégés. Un après-midi, la responsable d’un
organisme caritatif anglais, une délicieuse jeune femme blonde à peine
plus âgée que nous, vient nous rendre visite au volant d’un véhicule
tout terrain. Elle visite l’école, pose de nombreuses questions et,
le soir venu, elle veut repartir pour Orléansville. Mais la fermeture
de route avait eu lieu et elle dût revenir à l’école. Il fallait donc
la nourrir et l’héberger… Les invitations fusaient de toutes parts
car les sept appartements de fonction étaient tous occupés par des
garçons célibataires… Bien entendu, nous n’étions motivés que par
la galanterie française - bien connue des sujets de Sa Majesté – ainsi
que par l’impérieux devoir d’hospitalité… méditerranéenne En définitive, ce fut le plus âgé,
le directeur, qui était fiancé à une de mes amies d’Orléansville et
qui logeait avec un autre enseignant, qui donna asile à la jeune ‘’lady’’
dans des conditions de confort acceptables. En effet, notre collègue Granel, dont
le père possédait une entreprise de construction à Oran, avait rapporté
dans sa ‘’Coccinelle’’, un groupe électrogène à moteur à essence.
Nous avions relié avec des fils de fortune les appartements occupés
et, lorsque venait le soir, on lançait le moteur et l’électricité
nous parvenait. En faisant le plein du réservoir, il tenait environ
deux heures et demie. Lorsque les ampoules vacillaient, suivant les
hoquets du moteur qui manquait de carburant, il fallait se presser
ou bien allumer en secours les lampes à essence Coleman si on voulait
continuer à lire ou à travailler. Après quelques hésitations, le moteur
s’arrêtait, marquent l’extinction des feux. Dans ces appartements, nous avions
l’eau courante et, au moyen de bonbonnes de gaz butane, nos douches
fonctionnaient correctement. Chacun avait son appareil de chauffage,
soit à gaz, soit à mazout (qui était ‘’emprunté ‘’ à la réserve de
l’école…) Grâce au charme de notre directeur,
ou pour d’autres raisons, le lendemain, un accord était passé avec
cet organisme pour que nous soient livrés gracieusement – et le mot,
en la circonstance, ne pouvait être plus juste – un cent de poulets
New Hampshire et autant de Sussex ainsi que quelques sacs de granulés
pour les nourrir en alternance progressive pour les accoutumer au
blé. Le problème c’est que nous n’avions
rien pour les loger, ces volailles ! Il fallut de nouveau aller
quémander à la compagnie de protection et là, on nous fournit, non
seulement des rouleaux de grillage mais de l’outillage et de la main
d’œuvre qui nous aida, contre quelques ‘’bibines’’, à construire enclos
et poulaillers… Lorsque l’ensemble fut prêt, les anglais
furent avisés et une camionnette nous livra les poulets qui n’étaient
en fait que des poussins de quelques jours… Inutile
de vous décrire l’émerveillement des élèves, mais aussi celui des
parents accourus, devant le spectacle
touchant de ces centaines de petites boules jaunes courant en tous
sens et pépiant à qui mieux mieux… En quelques jours, la différence se fit : les uns devinrent
roux et les autres blancs. Quelques semaines après, les volailles
avaient atteint une taille et un poids qui en faisait des géants par
comparaison aux poulets locaux. On vit alors les coqs se différencier
des poules. Il fallut donc scinder l’enclos en deux pour éviter le
mélange des races. Cette louable précaution fut toutefois inutile
car, peu de temps après, le grillage de l’enclos fut une nuit arraché
par quelque chacal ou par quelque chien errant et une partie du cheptel
s’égailla dans la nature… Lorsque, quelques mois après, je revins
visiter les lieux, je ne fus pas longtemps étonné de voir dans les
rues du village des poulets à l’allure étrange : certains ’’cous-coupés’’
qui pesaient parfois deux ou trois kilos, et qui portaient dans leur
plumage les stigmates de leur ascendance métissée… ‘’arabo-britannique’’… Cet élevage nous prenait beaucoup de
notre temps libre bien que les volontaires aient été nombreux parmi
nos ouailles pour s’occuper des poulets. Toutefois, la passion que Georgeot,
Erick Catherine et moi nourrissions pour la chasse supplantait le
reste de nos loisirs. Au point que, lorsque des voiliers de gangas,
ces espèces de perdrix migratrices, étaient annoncés, dès la classe
du matin terminée, munis d’un frugal casse-croûte, nous foncions,
dans la 403 break que ma mère me prêtait, au milieu des terrains labourés
que fréquentaient les volatiles convoités. Une fois repérée une troupe
posée au gagnage, un tireur à chaque fenêtre, nous arrivions au milieu.
Envol. Quelques détonations. Un bond vers les prises et Hop !
dans l’auto et retour : la chasse était interdite… et il ne fallait
pas manquer la classe de l’après-midi ! Sous le pont du Chéliff, à quelques
centaines de mètres en amont du barrage de Charon, donc à deux kilomètres
à peine de Sobha, dans les interstices des piliers en béton, logeaient
des pigeons sauvages dont les vols sortaient de dessous le tablier
du pont à chaque passage d’auto. C’était bien tentant et mes deux
collègues et amis m’avaient montré ‘’leur réserve’’ de chasse… J’avais
une carabine 22 Long Rifle de marque Gévarm et des munitions que j’avais
rapportées en fraude de France dans un boîtier de rasoir électrique
et dans une gourde basque… Donc, je prêtais ma ‘’22’’ à mes compagnons.
Ils tiraient au posé et les oiseaux n’étaient qu’à quelques mètres
seulement. Comme ils tiraient bien, les coups au but étaient fréquents.
Oui mais il y avait un hic : si le pigeon était tué net, il tombait
souvent à l’eau et il était emporté par le courant. Il arrivait qu’on
puisse le récupérer à l’aide d’un roseau coupé sur la berge ou d’une
ficelle lancée, lestée d’un caillou mais, bien souvent, bien trop
souvent, il dérivait vers le barrage, perdu pour tout le monde… Un matin d’hiver, je passe sur le pont
pour rejoindre l’école lorsque j’aperçois, stationnée à la sortie
du pont, la ‘’Dauphine’’ grise d’Erick. Je gare la 403 près d’elle.
Je descends sous le pont et là, qu’est-ce que je vois ? Mes deux lascars, en slip de coton
blanc, à califourchon sur … un matelas pneumatique qui flottait, à
moitié submergé, sous le pont ! Ils avaient confectionné des
pagaies avec des raquettes de ping-pong fixées aux extrémités d’un
manche ‘’à’’ balai et étaient en train de tenter d’aller récupérer
un pigeon tué qui partait dans le courant… A peine avaient-ils quitté
la berge que, bien entendu, leur esquif a sombré et qu’ils se sont
retrouvés à l’eau ! Transis et couverts du limon de la berge,
sur laquelle ils avaient dû ramper pour s’extraire du Chéliff, ils
récupérèrent leurs vêtements, penauds et violets de froid, pendant
que je m’étranglais dans un fou-rire moqueur et peu charitable… A quelques jours de là, j’avais vu
au passage du pont, dans le bras mort d’un méandre du Chéliff, des
troupes de canards sauvages en migration : « Ho ?
Les copains, y’a du canard sur le Chéliff, à deux pas du pont. On
y va après l’école ? -
Et comment ! » Donc, à seize heures trente, dès que
les enfants sont partis, on embarque dans la familiale. Il fait un
temps superbe, pas de vent, les conditions idéales, quoi. Nous prenons la route de Charon. Peu
avant le pont, j’enfile un chemin de terre qui longe la rive droite
du fleuve jusqu’à un petit marabout en ruines, envahi par les jujubiers
sauvages et perdu au milieu des champs labourés de la plaine dénudée. On est à peine à quelques centaines
de mètres du bras mort où j’ai aperçu les canards. Là, au moins, il
n’y a pas de courant. En jetant des pierres ou des bouts de plaques
de limon près du gibier mort, en visant bien, on peut – je l’ai déjà
fait – récupérer une pièce de gibier avec l’aide des remous et des
ondes que les projectiles forment. Erick, Georgeot et moi, chacun avec
notre arme, nous nous approchons de la berge qui surplombe de deux
ou trois mètres le bras mort du Chéliff. Je rampe jusqu’au bord. À
quelques mètres, je vois des Morillons qui, insouciants, barbotent
tranquillement. Je jette un coup d’œil aux deux autres : il faut
essayer de tirer en même temps car les canards s’envoleront tous ensemble
à la première détonation. Georgeot lève le bras, comme pour le départ
d’une course. Erick et moi faisons de même : nous sommes prêts :
les cibles sont repérées… Feu ! Une salve éclate. Des centaines d’oiseaux
s’élèvent ! On recharge à toute vitesse, pour pouvoir tirer de
nouveau. Des attardés paient de leur vie la lenteur de leur réaction… « Youpi ! On en a eu un bon
paquet ! » s’écrie Georgeot. Nous descendons récupérer nos prises,
une bonne demi-douzaine d’oiseaux de diverses espèces. Nous remontons
et nous nous dirigeons vers la 403 qui nous attend à quelques centaines
de pas. Dans l’excitation du moment, un ange passe… c’est alors qu’une
sourde et puissante vibration de l’air nous annonce un vol proche
d’hélicoptères de combat… A quelques centaines de mètres, au
Nord de notre position, une escadrille de plusieurs Sikorski, assurément
de retour d’opération, passe, se dirigeant d’Ouest en Est, probablement
pour se poser sur la base aérienne de l’aérodrome de Mouafkia, au
Nord d’Orléansville, à une quinzaine de kilomètres d’ici, à vol… d’oiseau.
Leur bourdonnement assourdissant nous résonne dans la poitrine. Nous
regardons passer cette armada volante, impressionnés. Mais, soudain, comme en écho, à l’Ouest,
un autre bruit de moteur retentit. Il se rapproche rapidement. On aperçoit la silhouette d’un autre
Sikorski. Il est à basse altitude et vient droit sur nous. Puis, il
est à vue.
C’est un ‘’Mammouth’’, l’hélicoptère d’appui. Contrairement aux autres
hélicoptères qui sont peints en kaki, le ‘’Mammouth’’, lui, est peint
en argenté. Il est ainsi nommé parce qu’il est blindé et doté d’un
canon de 20 millimètres sur affût. On en distingue maintenant très
nettement les deux servants, assis de part et d’autre de la pièce. Tout à coup, l’engin amorce un virage
à droite et se rapproche de nous. Il décrit un large cercle au centre
duquel nous nous trouvons ! Erick et Georgeot ont le réflexe de
courir pour aller se cacher dans le marabout abandonné ! « Non, non, bande de c .
! Ne courez pas ! Ils nous ont vus. Ils vont nous prendre pour
des fells et alors là, s’il défouraille, adieu, on est foutus, avec
le canon de 20 ! » De fait, le cercle s’est rétréci. On
peut voir le visage des tireurs, casque avec écouteurs et micro, lunettes
de soleil. J’ai posé mon fusil au sol et je lève les bras en les agitant.
Pourvu qu’ils nous voient bien ! Pris d’une inspiration soudaine et
irréfléchie, je bats des mains en faisant trois coups rapides suivis
de trois coups plus espacés : Al-gé-rie …fran-çaise… Un des tireurs
me répond de la même façon en frappant sa cuisse : ti
ti ti - ta ta ! Ouf, il a compris ! Aussitôt,
le ‘’Mammouth’’ redresse sa course et poursuit son vol à la poursuite
des autres appareils… Silencieux, visages fermés, nous embarquons
avec nos prises dans l’auto et nous repartons vers l’école. Mais, au débouché sur la route asphaltée,
surprise ! Quatre soldats français, en armes, nous attendent
dans leur jeep… «
Le capitaine veut vous voir immédiatement à la compagnie, suivez-nous
sans faire les cons, vu ? » nous avertit le sergent de service… Au campement, le capitaine nous reçoit…
froidement. « Mais
vous êtes complètement cinglés ! Non seulement vous allez tirer
les perdrix dans la plaine, non seulement vous faites des cartons
sur les pigeons du pont mais, en prime, bande de nazes, vous vous
faites repérer par le ‘’Mammouth’’ au risque de vous faire réduire
en chair à saucisses ! Mais ça va pas la tête, non ? Heureusement
que j’ai pu prendre l’appel radio moi-même et quand le pilote m’a
décrit la bagnole et les trois pieds nickelés, j’ai su de quoi il
s’agissait et je leur ai dit de laisser pisser le mouton ! Imaginez
que ce soit un simple clampin qui ait répondu au bigo, hein ?
Eh bien vous auriez eu droit au récital en 20 millimètres ! Tiens,
si vous étiez mes gosses, je vous foutrais une branlée de tous les
diables, Nom de Dieu ! » Le capitaine est un ‘‘Colo’’ pur jus,
un ‘’ancien’’, et son langage fleuri le prouve… Un moment de silence glacial s’éternise.
Les chasseurs se tiennent coi, sentant bien qu’un seul mot peut déclencher
à nouveau la tempête… « Bon, déclare le ‘’pitaine’’,
c’est bon pour cette fois ! A l’avenir, j’exige, vous entendez :
j’exige que vous me préveniez et que vous m’indiquiez où, quand, avec
qui, combien de personnes et pendant combien de temps vous sortez
à la chasse. » Un temps puis : « Et puis, soit dit en passant,
laissez-nous faire notre boulot, ne recommencez pas à tenter de suivre
une voiture comme l’autre soir, après votre partie de chasse, route
de Fromentin : c’étaient des fells, pas de simples rombiers !
Vous avez eu de la chance de ne pas les avoir rattrapés, parce que,
avec vos pétoires de chasse, vous n’auriez pas fait le poids, vu ?
Faites l’école, pas la guerre, c’est pas votre taf ! … Bon,
si j’ai le temps, je vous accompagnerai à la chasse un de ces jours.
A présent, disparaissez, bande de foutriquets ! -
Merci mon Capitaine… »
Nous nous esquivons le plus discrètement possible. L’alerte
a été chaude ! Ainsi donc, ’’ils’’ étaient
au courant de notre poursuite d’une
‘’Aronde’’ bleue après la fermeture de route… Nous avions surpris cette Simca
qui sortait d’un chemin de terre juste devant nous et qui avait fui
à toute allure. De façon insensée, nous avions tenté de la rattraper…
Des bâtiments de l’école, il ne subsistait que les socles des
baraques et une seule salle à peu près en état. Le
chat va le manger ! Il fouette le chat : Allons !
En bas ! Et plus vite que ça ! Le
chat est tout mouillé.
A partir de 1962, les habitants du village de regroupement
avaient peu à peu déserté celui-ci pour des ’’villages de la révolution’’
mis à leur disposition par le gouvernement… et là où il l’avait jugé
bon…
Chi lo sa ?
Quel sort le maire a-t-il subi pour avoir accepté des responsabilités
françaises ? |