La
bouillabaisse
Marcel BERGONZOLI - Mars
2003
Quand
on a rentré à Ténès, on s'a parti chez Fartasse pour poser les cagnes
et s'partager le poisson. Fartasse, qu'il est enstruit lui et qui connaît
comme on fait les choses avec les gens, y s'a invité à nous autes pour
l'anisse. On dirait pas à le oir comme ça, tu crois qu'il est un peu badjoc
et tout. N'empêche y s'a fait l'EMS lui. (Ecole Maternelle Supérieure)Oui,
Monsieur ! Aïe, aïe, aïe, qué gousto qu'on s'a fait; mieux que chez Jeannot , je te jure , vec la glace, la kémia et tout ça qui faut. Pourquoi que, il s'a cheté une glacière toute neuf chez Lamarque la semaine d'avant et que depuis Titine, sa femme à lui, tous les jours elle va sarcher la glace chez Hamri. Tellement qu'elle était bonne cette mahia, que vas-y, à toi à moi, adieu j'tai vu, on s'a niqué la bouteille ! Bof! Qu'ça fait ? Riri, y s'connaît où qu'y en a lui, t'inquiète. Dehiors la terrasse, on s'a vidé le poisson par terre. Po, po, po, qué bien qu'il est ; y bouge encore comme si y serait vivant ! Titine, que c'est vrai qu'elle est gentille la pôvre, elle s'a porté a nous des sacs en journal et vinga, chacun y s'choisit ça qui veut. Un y s'prend "les blancs ", l'autre "les grosses girelles " pour y fait frire, le 3°y veut des "N'importe quoi " pour y fait le scabetch, comme les ampolitains, en bas la marine. C'que j'sais moi ? Sûr, chacun y s'prend une part. Moi j'y dis de suite à Chéchia - Chéchia, prends toi ta "schopa ", pourquoi , c'est toi qui s'la trapée. Tu la portes à ta mère, la pôvre, déjà qu'elle a pas de dents! Lui y dit merci et y s'la fout dans le sac - Atso ! Rien que ça tu prends ? - Bézzef ! - Qué bézzef, allez sarge ton sac couillon ; tu veux qu'on fait la baroufa tous les deux ou quoi ? Mainant, Titine elle parle à nous autes ; - Arrégardez moi ça, si c'est pas malheureux, tout ça qui reste ! Qué gaspillage ! Tant qu'y'a des gens qui z'ont rien ! Pourquoi vous faites pas une bouillabaisse vous autes ? Nous on fait semblant, comme si, on aurait jamais parlé la bouillabaisse avant. - Ah oui, c'est vrai qui dit Riri. Qué morfal, çuilà ? Rien que tu parles à manger, vinga, y sort le trou plus vite que le méro ! - Comme vous parlez bien Titine ! Dites oir ? L'aveugle y veut oir ou pas ? Y veut oir ! Alors, qui sait qui va s'empêcher à nous s'la faire cette bouillabaisse ? Ni Chitane si y vient ! Oilà Blaouette, tout d'un coup, y sarche les embrouilles à nous autes. Ma parole il est jmaous ? - Admettons. Mais vec quoi on va s'la faire ? Où qu'on va trouver la marmite, les cassaroles, le moulin et tout ça qui faut ? Dis oir ? - Que t'y es bête toi, moi je vous prête tout pardi, y dit Titine ; y manque plus que ça ! Le lendemain le frère Titine y nous a porté à la Campagne Blanc, vec la camionnette son patron. Quoi la Campagne Blanc ? Ca se oit que vous connaissez pas l'ami. Pôvres de vous ! Ma parole, si les Francaouis y s'la connaîtraient, de honte y meurent. A ce coin là, d'abord ya de tout : de l'ombre, des pierres plates, qui font pas mal au cul pour ceusses qui s'assoyent, de l'eau (à Birgi), des trous pour mette le vin au frais (Entention, taché vec une ficelle !) et aussi des arbres pour t'y accroches la gargoulette. . De la bas, tu ois tout, le cap Kala, le cap Ténès, et tous les gabotches que tu veux. Qu'est ce tu crois toi ? Mieux, si t'y es guitche, tu peux oir le cap Kala et le cap Ténès en même temps ! Dès qu'on s'est arrivé, on se descend tout le barda. Qué cinéma ! Tellement qu'on a des affaires que celui qui s'connaît pas à nous y s'croit c'est le "Ritano blanco " qui s'en vient. La mer elle s'fait toujours grève, le vent y s'fait toujours grève. Atso ! Qu'est ce qu'on fait nous ? On travaille ou quoi ? Allez, va de là, on va perdre la figure ou quoi ? Chéchia y commence à sarcher trois grosses pierres pour y fait le kanoun. Entention, la marmite, y faut qu'elle soye bien droite, sinon ça coule . Nous autes on ramasse les pines de pin et le bois pour faire le feu. Riri, y s'a pris les bouteilles, y les tache vec une ficelle, pour après il les met à fraîchir Fartasse je te jure, si tu le ois, un vrai chef, manque plus que le tablier ; c'est lui qui s'va préparer la bouillabaisse, pourquoi, y connaît bien. Y dit à nous autes, qui s'a travaillé deux étés chez Cacciutolo à le port. Va saoir ! Moi je me rappelle pas, m'enfin ! Tout le monde, on s'en va à la mer pour on tire les boyaux et on s'écaille le poisson sauf le chef et Chéchia qui s'allume le feu et y se le tient au ralenti jusqu'à le moment de faire. Blaouette y commence à sarcher les oursins, entention, ici aussi, elles sont belles ! T'inquiète pour Blaouette, en même temps y s'ramasse tout ça qui trouve :les poulpes, les arapètes, les scargots. Qué mange merde çuilà je te jure ! . Les poulpes y s'les tape sur les rochers, faut oir, y dit c'est pour qui soyent tendres ; comme ça y dit lui ! Tu crois y va les porter à Fartasse pour y les met dans la bouillabaisse ? Penses-tu ! Plus juif que lui ya pas ; des oursins qu'il a dans chaque poche. Le jour où y paye à boire lui, ma parole la mer elle va se monter d'un coup à la rue d'Orléansville. ! Fartasse y s'a préparé les oignons, l'ail, des branches d'arbre qu'elles sentent bon, l'huile des olives qui va sarcher chez Mazars à Montenotte, le spigol et vinga que ça cuit. Oh diocane, qué bonne odeur ! Mainant on va s'arranger la bâche dessur les aiguilles de pin, enstaller les assiettes, les verres et tous les tmenick pour on mange. Chacun y sort ça qui l'a porté. Oh, l'ami qu'est ce vous croyez ? Juste la bouillabaisse, elle va faire note vente content ou quoi ? Vous travaillez le chapeau ma parole ! Ya des olives cassées vec les branches de fenouil, des olives noirtes que Djebbour y dit y viennent la Grèce, va saoir, des anchois de chez Mazet (Putain rien que tu les ois, l'eau elle te vient dans la bouche et comme y dit l'aute, si dans cette eau t'y mets un peu l'anisse mieux c'est ! T'ya compris ou pas ? ) Titine, pauvrette, elle s'a donné à nous la tchouctchouka qu'elle s'avait préparée pour sa mère. Ca c'est une brave femme, pas comme la femme à …. Bon enfin, en va pas y dire pour y casse les papiers, mais c'est vrai merde ! Chéchia y s'a porté des fèves au koumoun vec le felfel, l'autre des variantes, des tramousses, des scargolites, de la salade de chez nous vec les tomates, les oignons, des olives noirtes, des z'œufs. C'que je sais moi ? Moi, j'ai porté, mais j'dis pas aux autes, une bouteille l'anis Gras et un carton les oreillettes qu'elle a fait ma mère, pour que les autes y parle pas sur nous. Pourquoi, faut toujours faire entention à Ténès la réputation. ! Oilà Fartasse, à côté le feu y gueule. - Ouais, les rastacouères, vous croyez que c'est moi aussi que je vais sarcher les crabes ou quoi ? Allez démerdez vous , c'est le moment. - Combien que t'y en veux Fartasse ? - Trois ou quatre, mais entention pas de ceusses qui sont plates comme des galettes. Porte-moi des crabes poileuses et des mahousses , hein ! Chéchia et Blaouette en rien de temps y z'ont porté. Po, po, po, quel esclande qui fait çuilà pour quatre crabes de merde. Tiens les oila tes crabes ! . Mieux au lieu tu rouspètes tu arrégardes oir si elle sera bonne ta bouillabaisse sinon, je te jure j'te fais perdre la figure à Ténès. Et vinga que ça cuit. Qué bonne odeur mamamille ! Tellement qu'elle est bonne que tous on s'a mis assis à côté la marmite de peur qu'elle s'en sauve. Qué cagna qui fait, oh madone ! Même les mouches y volent pas. Fartasse qui marche la tête à pied nu depuis ce matin, si tu le ois, tu crois une langouste ! J'y dis. - Oh Fartasse, attache ton mouchoir vec quate nœuds pour y mettre à la tête, mieux va ! Sinon tu vas oir, en rentrant, faut que tu vas chez Nonotte pour qu'elle te quitte le soleil. Fartasse y m'a arregardé comme si y voulait me bouffer. - Le soleil, j'y pisse au cul, moi . Tu crois je viens de Paris ? Tsé ! - Bon marronne pas, moi j'te dis esprès pour pas la cagade elle t'arrive ! Allez si on s'tapait l'apéro ? Fartasse déjà qui est pas content, y crie plus le veau marin à la grotte du phare. - Et moi, qu'est ce que je fais ? Dis oir ! Peut- être que je tourne le moulin pendant que vous autes vous faites l'invité ? Personne y boit avant qu'on fait le moulin ! Atchidente ! D'un coup ce coulo, y nous a porté du paradis dans l'enfer. - Bon allez, on va passer, pleure pas, déjà que t'ya même pas un mouchoir pour emballer ta tête. - Si c'est comme ça, moi j'arrête. Démerdez-vous ! - Amane, fais pas la mauvaise tête, tu ois bien qu'on s'amuse. Chacun mon tour, on fait le moulin, qué malheur, qué chaleur, déjà qu'on est fatigués. Tu parles d'un cinéma, l'esclave y veut qu'on fait çuilà, sûr. M'enfin, ça y est ; n'en parlons plus ! Fartasse y s'a ramené la marmite même qu'elle y brûle les mains. Le pôve y fait ouf, ouf et tout ! De suite Chéchia y fait le feu ralenti pour qu'elle se tient chaud. Allez mainant on se fait l'anisse par force. Oh, on est à Cayenne nous ou quoi ? Reusement pour l'apéro tout le monde y fait la lune, qué rigolade, mamamille ! On se pisse dessur. Qu'est qu'on parle ? Disez oir ! On parle les femmes des autes, pardi ! T'y as vu le cul qu'elle a celle-là ? Po, po, po ! Cuilà y est cocu comme ya pas, j'te jure ! Et l'aute, qu'est-ce tu crois ? Vec le cul sa femme y s'a payé la voiture ! Enfin, la routine, comme y disent les francaouis ! Non l'ami, on fait pas la honte ! Pourquoi nous à Ténès c'est comme ça, point c'est tout ! En plus Chéchia, qui s'a tapé trois ou quatre verres sans que personne y le oit, y fait le guignol, y parle sabir, y fait même les youyous, tu crois le mariage. Riri y s'a pris la mandoline et vinga donnes-y sa mère "Le p'tit vin blanc "! - Oh putain, déjà ya plus de kémia ? Qu'est morfales que vous étés ! Allez donne tes oursins de merde Blaouette oir si elles sont bonnes ! - C'est tout ça que t'y a ramassé ? T'y avais mal au dos ou quoi ? - Vas de là ! face de tchoutche ! Tu veux j'te montre la mer où qu'elle est ? - Allez, allez, cailla, mange et tais toi, ombré ! Oila Fartasse y dit : - Bon, mainant on va oir c'qu'on va oir. Riri, vas sarcher la marmite et le pain grillé frotté vec l'ail ; et qu'ca saute ! - T'y a vu comme y me parle ce coulo ? Oh ! Tu m'a trouvé couché sur le vente de ta sœur ou quoi ? - Allez, arrêtez les tchalefs, sur la vie de ma mère, on dirait les enfants de l'école ! La marmite elle s'a arrivée. - Fartasse, donnes-y à nous une louche , oir qu'on s'la goûte va ! Personne y parle, tellement elle est bonne. Tous y font : hum, hum ! - Quoi hum qui s'dit Fartasse ; elle est bonne ou quoi ? - Dis s'y toi d'abord Fartasse, c'est toi le chef ou non ? Fartasse y goûte - Bof, d'habitude elle est plusse mieux ! Là y manque un peu de machin - Va de là ! Fais pas l'important, elle est impeccable ma parole. Qué machin ? Arrégarde oir les assiettes si elles sont pleins ou vides ! - Bravo ! Allez les enfants, on fait le ban à Fartasse. Tout le monde y s'applaudit à lui. Fartasse y est content ça se oit. Mais entention, à de vrai qu'elle est bonne sa bouillabaisse ! Après, on s'a fait le dessert vec les oreillettes . Blaouette, comme si il aurait su, y a sorti une bouteille vin d'orange d'à saoir où et vinga qu'on mange. Qué gousto ! Ceusses qui nous oient , sûr y disent, mieux que nous y'a pas ! D'un coup, personne y dit rien. Tous on est farte, on dirait note vente y va s'clater. Ouf ! Bessif on fait la sieste en dessour les pins vec les petits z'oiseaux qui chantent à nous autes. Oh, l'ami, dis voir si t'y es un homme, le paradis c'est plus mieux Ténès ? Qué fatigue quand on s'a lévé la sieste ? Pas possible.! Tous on s'a jeté sur la gargoulette et vas y que j'te bois, vas 'y que j'te lave la figure pour quitter les gagnousses. Quoi les gagnousses ? Vous faites pas les gagnousses vous quand tu dors ? Pôve type ! Ca y est , on a rangé tous les affaires pour quand y vient le frère de Titine, on sarge. En attendant, Chéchia , crapule comme ya pas, y s'a fait en cachette, une mindjagalette mouillée et tout, vec la chemise à Fartasse. Putain si y s'le oit, y s'le tue sec. La voiture y vient pas. Atso ! Qu'est ce qu'on fait nous là ? Chéchia pour faire patience y dit à nous autes. - Vous voulez moi j'vous fais montrer le jeu du bon'to , comme je fais le jeudi au marché ? Putain, reusement que c'est à de rire sinon par force y faut qu'on vole pour y donner tout ça qu'on y doit. . N'ayez pas peur, ceusses qui connaissent pas le bon'to, moi j'vous s'plique un aute jour !. |