Maréchal Armand Jacques LEROY de SAINT-ARNAUD (1798-1854)

fondateur d’ORLEANSVILLE

 


« Orléansville est un désert dans le grand désert de la plaine. »
(Maréchal de SAINT-ARNAUD, 1 844)


Armand Jacques LEROY de SAINT-ARNAUD est né à PARIS en 1798.
Il prit part à la conquête de l’Algérie (CONSTANTINE, MASCARA), fut appelé au ministère de la Guerre en Octobre 1851 et aida au coup d’état du 2 Décembre suivant, puis réorganisa les services de l’armée.
Vainqueur des Russes à l’ALMA, il mourut en mer en 1854, alors que, malade, il revenait en France.

Sainte-Beuve dit de lui : « On n’est pas plus soldat par le nerf et par la fibre que Saint-Arnaud. »
Lui-même disait : « Je suis né soldat comme on naît peintre ou rôtisseur. »
Le 25 Novembre 1843, comme Colonel, il succéda au Général CAVAIGNAC au commandement de la subdivision d’Orléans-ville, un camp dressé sur les ruines du fort romain de CASTELLUM TINGITANUM.
Grâce à la correspondance échangée avec son frère, nous pouvons suivre presque au jour le jour les débuts dans la vie de la capitale chéliffienne.

Citons encore Sainte-Beuve :
« Le Maréchal de Saint-Arnaud est de ceux qui ne sont pas plus embarrassés à tenir la plume que l’épée, et qui, ne songeant qu’à laisser courir leur pensée du moment, réussissent souvent à mieux dire que les auteurs de profession. On le lira toujours avec plaisir, même après les grands écrivains militaires, les César, les Montluc, les Villars ; n’ayant pas écrit des Mémoires, mais des Lettres, il est même le premier des épistolaires de bivouac.
Sa langue est svelte, son bon sens fin, spirituel, sa gaîté excellente, son naturel saisissant ; son expression prompte est presque toujours celle que la réflexion eût choisie. Il a de l’artiste, du soldat, de l’homme surtout, et si l’on voulait donner à quelqu’un de nos ennemis réconciliés la définition vivante de ce qu’est un brillant officier français de notre âge, on n’aurait rien de plus commode et de plus court que de dire : Lisez les Lettres du Maréchal de Saint-Arnaud. »
Le mérite de Saint-Arnaud est d’avoir senti que, si Orléansville était un désert, la région offrait de riches possibilités.
« Orléansville est un désert dans un grand désert. Figure-toi quelques maisons au milieu d‘une immense plaine de cinquante lieues de long sur sept ou huit de large. Pas un arbre, pas de végétation ; le Chéliff au dos avec un pont à l’américaine. »
« L’avenir de ce pays est immense, écrivait-il, mais l’or qu’il engloutira est incalculable… Combien de braves gens engraisseront cette terre ingrate, pleine du souvenir de ces Romains que nous suivons à la trace ! … Il faudra donner bien des coups de pelle et de truelle ; et planter bien des arbres, tracer des routes et creuser des canaux ; mais nous arriverons, tout se fera. »
Ainsi, Orléansville sera une création ‘’ex nihilo’’…
Puisqu’il n’y a rien, il lui faut tout construire : « Tout se fera »
Et, en effet, il mit en pratique ses paroles.
Sur la rive droite du Chéliff, il crée une ferme, puis une pépinière…
Le courrier arrive par voie maritime à Ténès, tous les dix jours environ mais : « La mer n’a pas voulu laisser approcher le bateau à vapeur, et la barque qui avait essayé de porter les dépêches à bord a chaviré. »
« Je travaille à obtenir un port indispensable pour Ténès et toute la subdivision d’Orléansville. La nature l’a presque indiqué en jalonnant la place par des rochers. Cela coûterait environ huit millions et ce serait peut-être le port le plus sûr de la côte d’Afrique.»

Le 20 Décembre 1844, il annonce à son frère : « Il y a à peine un mois que je suis ici et j’ai fait labourer et semer d’orge pour mon régiment, 50 hectares de terre. Mille bras travaillent à faire une route. »
Le 10 Septembre 1845 : « Orléansville grandit à vue d’œil, mais les sauterelles et le soleil nous font bien du mal… »
Le Chéliff, cet oued « où il n’y a pas d’eau pendant six mois de l’année, est un maître fleuve quand il s’en mêle et roule comme le Rhin, le Rhône ou la Loire », s’il fournit son eau, n’est pas toujours un allié : le pont à l’américaine, fait de planches et madriers, est détérioré à chacune de ses crues. « Je fais mettre des brise-lames en avant des piles, et je m’appuie sur ce désastre pour demander qu’on construise un pont en pierre. »
Le 21 Novembre 1846 : « Je suis dans les cultures jusqu’au cou, je fais de la colonisation. On laboure, on ensemence le plus possible de manière à pouvoir exporter des grains hors de la subdivision. Ce serait un assez joli tour de force après nos malheurs en récolte cette année. Ma ferme aura plus de 600 hectares ensemencés en orge ! »

Mais les combats continuent : il faut refouler et traquer les bandes de Bou Maaza (l’Homme à la Chèvre) qui fanatise les tribus et détruit ce que les Roumis construisent dans le Dahra. En 1847, il se rend enfin au Colonel de Saint-Arnaud. La paix est là…

Hélas, la politique est partout pour tout corrompre…
Le gouvernement veut réduire l’armée d’Afrique et remplacer BUGEAUD, d’après de Saint-Arnaud, « le seul homme que nous ayons en France »…
Il écrit : « Si le Maréchal rentre, je rentre aussi : je ne veux pas assister à des catastrophes. »
« On ne remplacera jamais cet homme-là en Afrique, et partout où on le mettra il sera admirable. »
Toutefois, dans cette vie précaire et rudimentaire, il y a parfois des jours fastes comme le 1er février 1 845, lorsque de Saint-Arnaud organise … le premier bal à Orléansville !
La devise du Maréchal BUGEAUD ‘’Ense et aratro’’ (Par l’épée et par la charrue), ainsi que sa citation : « La conquête ne serait rien sans la colonisation. » pourraient-elles être mieux illustrée qu’à Orléansville par Saint Arnaud, le ‘’soldat-laboureur’’?
Par l’effet de quelle ingratitude (ou de quelle vengeance ?) aucun village de notre région, aucune place, aucune rue d’Orléansville n’a reçu le nom de cet admirable pionnier ?
Orléansville et sa région pour lesquels il a tant œuvré sont pourtant et pour toujours les débiteurs du Colonel de Saint-Arnaud.


Jacques TORRES, d’après Claude-Maurice ROBERT, dans la revue ‘’Algéria’’
de Février 1 956.

 

Extraits de la correspondance de 1844 à 1846 du Colonel de SAINT-ARNAUD




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