LE PARC NATUREL DES CEDRES DE TENIET EL HAÂD.

 

 

 

I. Situation.

Le Parc national des Cèdres a été créé par arrêté gouvernemental du 3 août 1923, Il a été prélevé sur la forêt

domaniale des Cèdres.

Cette forêt commence à une dizaine de kilomètres à l'ouest de Téniet‑el‑Haâd, localité située à 59 kilomètres au sud d'Affreville.

Téniet est le point de passage obligé (1.158 m.) de la plaine du Chéliff au plateau du Sersou. L'altitude du point le moins élevé de la forêt est de 862 m., le point culminant est le Ras‑el‑Braret, qui s'élève à 1.787 m. Quant au Rond‑Point, qui est en quelque sorte la ‘’capitale" du Parc, il est à 1.461 m.

La forêt occupe les deux versants du Djebel el Meddad (montagne du Cèdre), qui fait partie de la chaîne sud de l'Atlas tellien. Elle se trouve toute entière dans le douar Meddad de la commune mixte de Téniet‑el‑Haâd.


II. Superficie et limites.

La surface du Parc national est de 1.500 hectares environ, dont les 2/3 sont situés sur le versant nord du Djebel el Meddad. Sa forme générale est sensiblement celle d'un parallélogramme dont les bases auraient 5 km. 500 et les côtés 3 km. 500.

III. Notions sommaires sur la Géologie.

Le sol du Parc national appartient à l'étage medjanien (éocène supérieur). L'étage inférieur des grès medjaniens est très étendu en Kabylie. Dans cette région, ces grès entourent la plaine de la Medjana à une altitude de 1.100 mètres. Ils disparaissent ensuite pour reparaître aux environs de Téniet‑el‑Haâd et former les montagnes peuplées de chênes-lièges des Matmata (forêt de Bou Medien et d'Aghbal), le massif de la forêt des Cèdres, le pic de Temdrara et le sommet du Djebel Saadia, dans la région de l'Ouarsenis.

Le sol assez maigre, peu profond, est déchiré souvent par la roche à nu et entrecoupé d'escarpements rocheux atteignant une centaine de mètres de hauteur.

IV. Flore et faune.

Le cèdre se rencontre à l'état pur ou associé au chêne-liège et au chêne-vert. Ce dernier couvre les parties basses de la forêt.

 


 

On trouve, avec le cèdre, plus ou moins répandues, des espèces d'Europe, telles que l'if, le houx, l'amélanchier, le sorbier domestique, les alisiers blancs et torminal, l'épine-vinette, un cotonéaster, le merisier, l'yèble, le groseillier, etc., etc. ; parmi les espèces herbacées, on rencontre des pensées sauvages, des fougères, des mousses et des lichens. Enfin plusieurs espèces de champignons, dont quelques-uns sont comestibles, des morilles notamment.

Il y a peu de gibier dans le Parc, en raison de l'absence d'eau et de couvert. On trouve cependant des sangliers, des perdrix, des lièvres, des grives et des ramiers. Les bécasses sont nombreuses au moment des passages.

Les passereaux, les merles, les pies, les pies-grièches, les geais, les piverts, les guêpiers, les éperviers, les buses et les aigles abondent.

Parmi les mammifères, on rencontre des chacals, des renards, des hyènes, des lynx (assez rares), des chats sauvages, des civettes, des belettes, des mangoustes, des porcs-épics et des hérissons.

V. Allure des peuplements forestiers

Les cèdres occupent la partie supérieure de la forêt jusqu'à son point culminant : Ras-el-Braret (1.787 m.). Ils sont répartis inégalement sur les deux versants. Les 4/5 du massif occupent le versant nord et le reste se trouve sur les versants ouest et sud.

Sur le versant nord, l'altitude minima du Cèdre est 1.360 m., soit 100 mètres plus bas que la maison forestière du Rond Point (1.461 m.).

Sur les versants ouest et sud, les cèdres ne descendent pas au-dessous du niveau de la maison forestière d'Ourten (1.550 m.)

Comme en Kabylie, le peuplement est d'abord constitué par quelques cèdres isolés, puis par des bouquets de cèdres en mélange avec le chêne vert et le chêne-liège. Ensuite il domine nettement et constitue un peuplement pur ou associé avec le chêne zéen.

Les premières exploitations de cèdres remontent à l'installation de l'armée française dans la région. L'exploitation dès le début (1842) eut lieu sans mesure, sans ordre et sans que l'on se fût rendu compte des difficultés de transport. Des arbres énormes furent ainsi abattus et laissés sur place. Plus tard, en 1862 commencèrent les exploitations raisonnées, consistant surtout à débarrasser la forêt des bois morts gisants ou encore sur pied.

 

Par suite du peu de profondeur du sol et de sa médiocre qualité, les cèdres poussent lentement.

Les sujets jeunes et vigoureux dressent leurs têtes droit vers le ciel et leurs branches sont relevées. Mais à partir d'un certain âge, les arbres affectent une allure différente : les branches s'étalent horizontalement et la tête prend une forme tabulaire, très caractéristique chez les vieux sujets.

L'hiver est rude pour les doyens de la forêt. La neige qui se pose sur les sortes de plate-formes constituées par les branches supérieures s'accumule au cours de la mauvaise saison. Elle atteint des épaisseurs pouvant aller jusqu'à un mètre. Cette masse fatigue le géant qui n'a plus la vigueur voulue pour résister. Si le vent souffle en tempête' c'est une grosse branche qui se casse, ou bien c'est un arbre dix ou douze fois centenaire qui se couche couvrant le sol sur plusieurs ares d'un inextricable enchevêtrement de feuillage et de rameaux.

En revanche, à chaque printemps, les semis de jeunes cèdres couvrent le sol par places; mais ces semis disparaissent presque tous au cours de l'été qui suit à cause du manque d'eau.

VI. Voies d'accès et moyens de communication

Le point de départ normal pour se rendre au Parc des Cèdres est le centre de Téniet‑el‑Haâd. On y arrive soit par automobile venant directement d'Alger, soit par le chemin de fer que l'on quitte à Affreville pour prendre un autobus.

De Téniet‑el‑Haâd, on peut se rendre au Rond‑Point, soit à pied par des pistes et des raccourcis, soit à cheval, par des sentiers muletiers, soit en voiture ou en automobile par une route carrossable de 17 km. de longueur.

Si l'on vient de l'Ouarsenis, en suivant les pistes muletières qui sillonnent la région, on peut, en 3 ou 4 heures de marche, aller de la maison forestière de M'Zila, dans l'Ouarsenis, à la maison forestière du Rond‑Point des Cèdres.

Une fois en forêt, on trouve des chemins forestiers, admirablement tracés, à pente douce et en parfait état, qui sont comme de véritables allées de Parc et qui permettent une série infiniment variée de promenades aussi intéressantes que peu fatigantes.

VII Sites intéressants.

Le Parc national des Cèdres abonde en sites artistiques extrêmement variés. Parmi ceux qui méritent une mention spéciale, on doit citer :

 a) Le Rond-Point des Cèdres. ‑ Lorsque l'on vient de Téniet‑el‑Haâd en suivant la route carrossable, on a l'agréable surprise, à un tournant, d'apercevoir tout d'un coup le cirque, qui constitue le Rond‑Point : site merveilleux, coup d'oeil enchanteur.  Au fond d'une petite combe, tout entourée de cèdres, se trouve une prairie délicieusement fraîche, où l'herbe pousse épaisse et drue, que broutent quelques vaches. C'est une véritable vision de Suisse ou des Alpes de Savoie.

Une fois arrivé à la maison forestière du Rond‑Point et après avoir, comme de juste, admiré le cirque majestueux dont elle est le centre, on peut se diriger vers le chalet Jourdan, qui est bâti à quelque deux cents mètres vers le nord, au bord du plateau, à l’ombre de grands cèdres émouvants par leur âge et leur majesté. A travers leurs branches presque horizontales, on distingue tout un horizon lumineux : le Kef Tourreiche, la vallée de la Lyraa, le Djebel Amrouna et, comme fond du tableau, le Zaccar de Miliana et la chaîne littorale qui s'étend entre le Chéliff et la Méditerranée.

b) Le Kef Siga ‑ Le Kef Siga (1.714 m.) est le but d'une promenade que doivent faire tous les visiteurs du Rond‑Point;. on s'y rend, en moins d'une heure, à pied, ou à cheval, par des sentiers qui ressemblent à des allées de jardin.

La vue dont on jouit de ce sommet embrasse presque un tour complet d'azimut. Seul le Ras‑el‑Braret limite un peu la vue à l'est. Mais dans les directions du nord-est, du nord, de l'ouest, du sud et du sud-est, la vue s'étend jusqu'à la limite extrême de l'horizon. On aperçoit même, lorsque le temps est clair, la Méditerranée par une brèche ouverte dans la chaîne littorale en direction de Gouraya (à l'ouest de Cherchell).

 



c) Le Ras‑el‑Braret. ‑ On peut se rendre au Ras‑el‑Braret (1.787 m.) soit en suivant la crête depuis le Kef Siga, soit en prenant les. chemins forestiers qui y conduisent directement, Le premier trajet est quelque peu fatigant, mais la beauté des sites et la grandeur des vues méritent que l'on fasse cet effort. Le second trajet peut se faire en une heure et demie environ, sans fatigue, ni danger. Pour les bons marcheurs, le mieux serait de se rendre au Ras‑el‑Braret par l'arête et de redescendre par les chemins forestiers.

d) Ourten. ‑ La maison forestière d'Ourten peut être, elle aussi, un but de promenade fort intéressant. Si l'on part du Rond‑Point, on peut s'y rendre en suivant la route des Cèdres, qui constitue un chemin de ronde tournant autour de la montagne et ayant des échappées splendides sur l'Ouarsenis, sur toute la plaine du Chélif supérieur, sur les régions de Vialar et de Tiaret et sur les montagnes de Chellala.

Ourten, tout comme le Rond‑Point, est situé au fond d'une combe boisée. L'eau qui est amenée, par une canalisation de bois, à proximité immédiate de la maison forestière, présente une particularité qui mérite d'être signalée : elle est extrêmement ferrugineuse.

Pour revenir d'Ourten, on peut grimper par un chemin forestier pour franchir l'arête de la montagne et revenir sur le versant nord, en passant par un petit col situé entre Ras‑el‑Braret et le Kef Sachi. En rejoignant la route carrossable venant de Téniet, on voit le Rocher du Lion. D'après la tradition, le Général Margueritte aurait tué un lion sur ce rocher, c'est de là que lui viendrait son nom.


e) Le Pré Maigrat. ‑ Le pré Maigrat est également une clairière, abondamment arrosée, en pente douce, au milieu d'un paysage riant, agrémenté de beaux arbres. 11 est tout indiqué pour y installer un centre d'estivage, car il se trouve à proximité immédiate de la route carrossable venant de Téniet, à mi-distance entre la maison forestière de Touila et le Rond‑Point.

f) Mille autres points encore méritent d'être vus, notamment le vieux cèdre " la Sultane " , qui meurt de vieillesse et a encore grand air dans sa décrépitude. Le Cèdre Parasol, grand et beau cèdre situé sur un promontoire dominant la vallée. Ce cèdre est parfaitement visible de Miliana. Le cèdre Messaoud, qui est le plus gros cèdre de la forêt. Les cimetières de cèdres, qui se trouvent sur le versant nord de Ras‑el‑Braret.

Les troncs morts, que le temps et les intempéries ont polis et blanchis comme de l'ivoire, sont tombés en s'enchevêtrant es uns dans les autres et ils ont formé des amoncellements de formes bizarres que l'on prendrait volontiers pour des squelettes d'animaux antédiluviens. Le marabout de Tamesguida constitué tout simplement par une légère excavation entourée d'un mur de pierres sèches, à moitié démoli et atteignant à peine un mètre de hauteur. C'est un lieu de pèlerinage pour les indigènes des alentours qui, lorsque la sécheresse se prolonge, viennent, avec leurs femmes et leurs enfants, demander à ce saint personnage de faire tomber la pluie.

Une jolie promenade à faire est celle des gorges de l'oued Beni Fenu, au pied du Kef Hassen et du Djebel Amrouana, mais le chemin est difficile et même dangereux.

A la sortie des gorges, on peut pousser, le long des rives fleuries de l'oued Lyra jusqu'à la maison forestière du Gros Pin, au débouché sur la plaine.

VIII. Le Parc national des Cèdres pendant l'hiver

Le Parc national des Cèdres se prête parfaitement à Ia pratique des sports d'hiver. On y peut faire du ski et de la luge et utiliser les raquettes pour circuler dans la montagne. Par beau temps, en hiver, l'excursion de Ras‑el‑Braret et le cheminement sur la crête ne présentent absolument aucun danger et demandent un minimum d'efforts. Quel enchantement que de se promener dans cette forêt quand, sous le soleil d'Afrique, tout est d'une blancheur immaculée, quand les cimes des cèdres plient sous la masse de neige qui s'y est accumulée, quand, par suite des alternatives de dégel et de regel, des stalactites de glace pendent aux extrémités des branches, semblables à des cierges de premières communiantes qui seraient transparents et renversés !



IX. Renseignements divers

L'hiver est long dans la montagne des Cèdres. La neige y persiste plusieurs mois. Toutefois, les communications entre Téniet-el-Haâd et le Rond-Point sont rarement coupées et les ravitaillements restent presque toujours possibles.

            L’été y est tempéré ; cependant, lorsque souffle le siroco, on voit parfois le thermomètre atteindre 40°.

            Il tombe dans les 650 mm. d’eau par an.

            Les vents dominants sont ceux du nord-ouest.

Les incendies, très rares sur le versant nord, sont relativement fréquents dans le canton d’Ourten, exposé au sud et peuplé surtout en chêne-liège.

 




            A CARQUEBUT, le 31 août 2005. JacquesTORRES, d’après  ‘’CENTENAIRE DE L’ALGERIE, PARCS NATIONAUX’’, Jules CARBONEL, Editeur, ALGER, imprimé le 15 octobre 1930, sur les presses de l’Imprimerie Astracolor, 63-65, rue de la Mairie, Vannes, pour le compte du Commissariat Général du Centenaire. Vignettes de Jacques SIMON.